mercredi 22 février 2012

La Saint-Vincent du début jusqu'à nos jours (1er épisode)


SAINT-VINCENT
Dans le jargon de vigneron le patron
Il est vrai que l'Eglise n'est pas ennemie du calembour ( "tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai..."). De là à croire que Saint-Vincent est devenu le patron des vignerons à cause de la première syllabe de son nom...Dans ce cas, pourquoi Saint Arthur ne règne-t-il pas sur les ARTistes et Saint POTHIN sur les POTiers, les verriers et les barmans? Même Vin-sang ou vin-sent ne convainquent pas.
D'origine Espagnol, il n'a eu, dans sa famille et dans sa vie de diacre de Saragosse, aucun lien avec la viticulture. Certains affirment que c'est à son supplice qu'il doit sa capiteuse gloire. Le proconsul DACIEN, l'homme de confiance de l'empereur Dioclétien, le condamna, entre autres douceurs, à avoir le corps broyé, écrasé, ce qui fit jaillir son sang comme le jus de raisin ruiselle sous la violence du pressoir. La métaphore est rude, surtout pour des gens aussi gais que des vignerons. le corps de Saint-VINCENT, cousu dans une peau de boeuf, fut jeté au large de Valence mais, par un de ces miracles dont notre époque à perdu la recette, la dépouille sacrée attendait sur la rive le retour des rameurs. Cette victoire sur la mer n'aurait-t-elle pas dû faire de Saint-VINCENT le saint patron des marins et des naufragés?

Plutôt que l'eau, on lui a donné le vin. Tant mieux pour lui. La religion n'est pas avare de mystères. Disons qu'il eut après sa mort la chance qu'il neut pas de son vivant. On a même été généreux: Vincent est le patron des vignerons, mais pas seulement, aussi des négociants, des oenologues, des inspecteurs du vin, des cafetiers. Et aussi des vinaigriers. Donc Excellente ou médiocre, l'année lui vaudra des sympathies.
Finalement, peut-être est ce à PARIS que l'on débusque l'explication de sa reconversion viticole. Le corps du martyr ibérique ayant été dispersé sous forme de reliques, sa tunique et l'un de ses bras atterirent dans une abbaye que fit construire dans sa capitale le roi Childebert 1er. Elle fut nommée Saint-CROIX - Saint-VINCENT. Et comme cette abbaye possédait de nombreuses vignes en Île-de-France, les moines-viticulteurs firent de Saint-VINCENT leur rempart contre les gelées et la grêle. Son culte s'étendit ensuite à d'autres vignobles. Trois siècles après, des reliques d'un autre Saint, GERMAIN, supplantèrent celle de Saint-VINCENT et l'abbaye changea de nom. Elle devint Saint-GERMAIN-le doré, puis plus tard, Saint-GERMAIN-DES-PRES.
Plus que d'autres, les vignerons bourguignons vouaient un véritable culte à leur Saint patron, saint Vincent, dont la fête, le 22 janvier donnait lieu à de nombreuses manifestations où il est vrai, le païen se mêlait au religieux. Une des plus anciennes traditions concernait la garde, par l'un des vignerons du village, de la statue du saint ou, à défaut, d'un baton sculpté symbolique.
Le matin du 22 janvier, les vignerons de la confrerie de Saint Vincent locale se rendaient, en cortège, au domicile- ou le plus souvent dans la cave- du sortant, c'est-à-dire celui d'entre eux qui avait eu l'honneur de garder la statue- ou le baton- durant l'année écoulée
Chaque vigneron était tenu de la saluer avant que le plus ancien d'entre eux - la notion de grand maître était alors aléatoire et rare - ne dévoile le nom de "l'entrant" qui allait à son tour, avoir la garde ô combien honorifique, du Saint pendant un an.
Pas rancunier, le vigneron "sortant"... sortait justement quelques bouteilles de vin blanc pour trinquer avec l'heureux élu et fêter avec tous, non pas la déchéance, mais la transmision de relais... voire du bâton!
Tout ce beau monde se remettait en cortège pour se rendre à l'église pour la grand-messe de saint VINCENT. Le vielleux était en tête, suivi par le "sortant" qui portait la bannière et l'"entrant" qui portait le cierge de la confrerie.
Après la messe solennelle, au cours de laquelle le prêtre avait béni la statue de Saint-VINCENT (ou son bâton représentatif), celle-ci était remise solennellement à l'entrant dans sa cave. Inutile de vous dire que cette petite cérémonie était suivie d'un repas pantagruélique.
Pour l'avoir vécu, je sais de quoi je parle.
Dans une France quelque peu déchristianisée, Saint-VINCENT tient bon la rampe. Enfin, il s'accroche. Il est un des derniers saints qui continuent de susciter ferveur, prières et processions, soit le jour de sa fête, le 22 janvier, soit au cours des week-ends précédents et suivants. Il reçoit un hommage chrétien : procession, messe solennelle, prêche, bénédiction ; puis profane : banquet, tournée des caves, expositions, chants folkloriques, etc. Cette alliance du religieux et du païen est un héritage du Moyen Age. Le grand maître de la confrerie des chevalier du tastevin n'associe-t-il pas, dans sa formule d'intronisation, Noé, "père de la vigne", Bacchus, "dieu du vin", et Saint-VINCENT, "patron des vignerons"? Ce très large oecuménisme, ne serait-il pas préférable à la guerre que se livraient, à la fin du x1xème siècle, dans certains villages bourguignons, la procession des cléricaux, avec bannières et chants religieux et le défilé des anticléricaux, avec drapeaux et Marseillaise?

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